Your gateway to endless inspiration
Prologue Oyé chers amis! On vient de m'annoncer une superbe nouvelle! Je vous présente en primeur le court texte qui m'a permis d'être l'un des deux gagnants du concours "Exercice d'admiration" où je devais raconter ma passion pour un livre ou un auteur. Mon texte sera lu devant public au Studio ARTV à la PDA samedi le 13 septembre 2014 par Claudia Larochelle dans le cadre du Festival Internationnal de Littérature (FIL). Vous pourrez aussi trouver une copie sur le site d'ARTV sous peu. Lisons tout le temps! ********************************** Je suis l'Amok D'entrée de jeu, je me suis laissé avoir par l'illusion tranquille et rassurante d'un bateau de croisière. Les récits où l'auteur offre la chance de m'amarrer rapidement à son histoire se font rares. L'exiguïté de mes appartements sans hublots que je partage avec le narrateur donne tous les signes d'une lecture qui marquera. Je sais qu'on ne me laissera pas en paix après avoir bu la dernière ligne. Le temps de quelques pages, je deviens l'Amok de Stefan Zweig. Je fais partie de la horde des chercheurs d'or, comme celui qui doute et se perd entre passion, machisme, soif de pouvoir et désespoir. Épuisé, affaibli, voire blessé par l'agencement des mots aussi puissants que la déraison exposée au fil du livre, je traverse un miroir chaque fois que je plonge dans cette écriture mélancolique et prémonitoire. C'est une fable universelle sur la course effrénée vers l'impossible « synchronicité » de l'amour. La vérité toute nue, même stéréotypée, me rentre au corps comme on force une porte aigrie par l'usure du temps. Les derniers mots sont lus. La dernière page est tournée, et voilà ma main qui se pose rapidement sur la couverture, comme pour prendre doucement le pouls de la situation. Et si l'aventure se poursuivait sous l'eau? C'est sans contraintes que je décide, en esprit, de plonger à la mer avec le protagoniste de l'histoire, fatigué de courir derrière lui, repu par les émotions. Je suis las d'entendre les appels insensés de ma petite voix intérieure arguant que tout va bien. Le calme de la mer, je le comprends, est la seule solution pour l'amok. Me laisser couler dans les profondeurs abyssales de l'océan me donne tout le temps voulu pour accepter ce qui est et m'en délecter. Je descends lentement, comme au rythme d'un adagio d'Albinoni. Je ne suis pas seul. Dans mes bras sont toutes les femmes que j'ai aimées. Toutes les passions inassouvies. Elles sont toutes là, même les inatteignables, comme celle de la nouvelle de Zweig. Et je me demande combien de temps je peux retenir mon souffle avant que la mer entre en moi. Pourquoi une telle fin? Combien d'autres brisures avant l'amour parfait? Cette utopie existe-t-elle? Cette quête me tuera-t-elle aussi? C'est ainsi que je coule en relisant l'Amok. Je me gonfle d’eau et de sang en sachant bien que jamais je ne toucherai le fond de cette histoire. Au final, c’est l'histoire de Stefan Zweig qui touche mes sombres profondeurs.
Prologue
Les vacances terminées, il est de bon ton en cette ère d’échange social de publier nos souvenirs picturaux. À tort ou à raison, cela me donne un sentiment d’appartenance dans notre époque. Ce faisant, j’ai l’impression d’avoir autant ma place dans le monde réel que dans celui virtuel. La valeur de ces deux présences s’équivalent presque, n’en déplaise aux apôtres de la pleine conscience et du « ici et maintenant ». Ma position géographique n'est plus confinée à l’espace tangible et palpable, mais aussi appartient à la dimension du « paraitre ». J’étais ici, donc je suis! Voici mon géolocalisateur virtuel par l'écrit pour un été qui fut trop court. **************************** Cette année, ma saison estivale fut rattachée à l’eau. Je l’ai toujours admirée, mais cette fois je l’ai écoutée. Je confirme qu’elle parle « en ciboire » pour qui veut l’entendre. Départ canon
Il est 22 h 30. J'ai sommeil. Mais il y a fête sur la rivière Saguenay en face de chez mes parents. Un party-ponton aux convives qui me sont inconnus, comme on en voit souvent en ce lieu baby-boomers. Il y a quantité de rires portés par la brise aux effluves d'alcool que je peux presque boire. Je m'endors. Mais après quelques heures festives, l'eau décide qu'elle en a assez. Des cris, des « tabarnak toé », des « lâche moé mon câlisse » et autres gentils quolibets me sortent de ma phase bêta. L'eau ne rit plus. La fête s'est transformée en bataille navale. Pour la prochaine heure, l'eau est à son niveau le plus bas. L'hommerie s'est emparée de mon « fleuve ». Impuissant devant cette tempête, cela s'est apparemment terminé en dents cassées, en pleurs et en « mon criss de tabarnak, tu me verras pu su ton bateau ». La poésie de la Sminorf Ice s'est manifestée. Et comme le malheur apporte aussi son lot d'ironie, cette parole s'est propulsée au travers des vagues naissantes : « Ta gueule Josée! Té pas une tsycolog, té juste une stéticienne ». Triste tableau, l'eau finit quand même par me faire rire. Des pirates
Le lendemain, l'eau reprend ses droits. Elle redevient enfant. Je devine que le Saguenay en appelle à l'imaginaire. Une harde de jeunes vacanciers dispersés en quelques canots font des manœuvres au milieu du sang laissé la veille par mes « fêtards ». L'eau calme du matin incite à la franche camaraderie et à l'émerveillement qui se perd habituellement dans les iPODeries. Ce jour-là, l'eau a fait rêver une dizaine de marmots. Et je me suis surpris à penser que je faisais partie de leurs jeux. À mon grand dam, une fois les flibustiers rentrés au port, la valse des mouches à « marde » aquatique (qu'on nomme généralement Sea-Doo) peut commencer librement. Des "pitounes"
(Crédit photo: Marie-Hélène Amyot ©2014) Plus à l'ouest, il y a le plus beau lac au monde. J'y suis resté collé plusieurs heures. Cette eau apporte la connaissance et le souvenir d'une épopée historique qui se perd. À travers une « pitoune » de bois imbibée par des années de perdition, c'est toute l'histoire de ma forêt qui est venue à moi. Poussé par les vagues, un mélange de fierté envers mes ancêtres et de mélancolie soulève le sentiment que j'ai tant de choses à apprendre. Les vagues auraient-elles la même identité si ce n’était de l'industrie qui a jadis modifié ce majestueux Lac St-Jean? D'une main amoureuse, j'envoie un baiser au Lac, de l'autre, je lève mon majeur bien haut à l'industrie qui en modifie encore le paysage aujourd’hui. Le lac reprendra-t-il un jour ses droits? L'eau me fait mieux comprendre l’étrange sentiment de mes paradoxes. L'eau salée
Au milieu de mon périple, il y eut les eaux intermédiaires, les fontaines publiques, les ruisseaux, la rosée et les sceaux remplis des ondées éphémères. C’est toutefois au final qu’est arrivée cette eau qui ne suscite que respect et dévotion. Cette eau qu'on retient parfois avec les barrages les plus solides. Cette eau salée m'est apparue par les monts et vallées du majestueux Charlevoix. À mon retour, avant que la routine urbaine ma fasse oublier ces vacances liquides, le fleuve Saint-Laurent dans toute sa splendeur a fait couler la seule eau salvatrice. Par deux petits chemins dessinés au hasard sur mes joues, passant par mes lèvres et finissant je ne sais où, je me suis mis à pleurer à chaudes larmes. Et c'est ainsi que j'ai su que cette mer intérieure me parle plus que toutes les mers du monde. ********************************* Je vous laisse avec une merveilleuse chansonette de Nick Drake: River man https://www.youtube.com/watch?v=sftEYVYEoew